Intelligence artificielle et santé : les algorithmes remplaceront ils les médecins ?

Longtemps associée aux mondes de la science-fiction, l’intelligence artificielle a depuis quelques années envahi notre quotidien. Synonyme de nombreux espoirs, cette technologie soulève de nombreuses questions éthiques, particulièrement dans le secteur médical. Pourrait-on confier notre santé à des machines plutôt qu’à des médecins ? Eléments de réponse avec l’IMIS.

intelligence artificielle

QU’APPELLE-T-ON INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ?

L’intelligence artificielle définit la technologie qui consiste à faire réaliser par une machine des tâches, plus ou moins complexes, que l’homme accompli en utilisant son intelligence. Plus concrètementdans le secteur de la santé, cela peut couvrir une variété de missions telles que : traduire automatiquement des ordonnances, programmer des drones pour qu’ils déplacent du matériel chirurgical dans un environnement périlleux, établir un diagnostic à partir de data collectées ou encore détecter des cellules cancéreuses sur la peau d’après des photographies.

S’il existeune intelligence artificielle dite « forte » capable de raisonner comme un humain et potentiellement dotée d’une conscience propre, la recherche se concentre aujourd’hui sur l’intelligence artificielle « faible, » capable d’assister les humains dans leurs tâches grâce à l’action conjointe de nombreuses disciplines scientifiques, l’informatique, les mathématiques, les sciences cognitives et bien évidemment le champ de connaissances dans lequel on souhaite mettre en œuvre l’intelligence artificielle.

 

DEUX APPROCHES : SYMBOLIQUE OU NUMÉRIQUE

Dans les années 1980, au début de l’intelligence artificielle, la plupart des systèmes reposaient surl’approche « symbolique »,basée sur la déduction et la logique, qui permet le développement d’outils qui reproduisent les mécanismes cognitifs d’un expert. Ils permettaient à l’époque l’identification d’infections bactériennes (Mycin) ou la détection de la jaunisse (Sphinx) mais se sont depuis largement étoffés, notamment grâce à des ordinateurs plus puissants et des langages médicaux plus performants.

Contrairement à l’approche symbolique, les systèmes à approche numérique raisonnent quant à eux en s’appuyant exclusivement sur l’analyse des données : il cherche des régularités dans les données disponibles accumulées (le fameuxbig data) pour en extraire les faits importants. La plupart des intelligences artificielles procèdent ainsi par apprentissage automatique, c’est-à-dire qu’elles apprennent seules la tâche qui leur est assignée par répétition d’essais et erreurs avant d’être opérationnelles.

 

DES INTELLIGENCES AU SERVICE DE LA MÉDECINE DE DEMAIN

Avec des répercussions allant de la robotique de pointe aux chatbots capables de diagnostiquer à distance, il parait compliqué de dresser une liste exhaustive de toutes les applications que pourraient avoir l’intelligence artificielle dans la médecine, qui vise en premier lieu à assister les professionnels de santé et à rendre l’expérience patient plus personnalisée et plus collaborative.

 

Opérer avec des robots chirurgiens

Les nouvelles technologies, associées à l’intelligence artificielle, ont trouvé leur place au sein des blocs opératoires, avec plus de 7 millions d’opérations réalisées dans le monde depuis le lancement du premier robot chirurgien Da Vinci. Capables d’accéder à des zones délicates, d’utiliser des instruments de nano-chirurgie ou encore de pratiquer des actes de grande précision, les robots étaient jusqu’à présent principalement guidés par la main humaine, mais, associés à une intelligence artificielle, ils sont désormais en mesure de réaliser des opérations simples de manière indépendante.

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Prévenir des maladies chroniques

En étant capables de traiter une multitude de données de manière plus rapide que le corps médical, les intelligences artificielles parviennent ainsi à détecter en amont des maladies chroniques qui ne sont pas encore décelables chez certains patients. Ainsi, l’Université de San Francisco a récemment démontré qu’un programme intelligent était en mesure de détecter la maladie d’Alzheimer près de 6 ans avant la médecine humaine… Appliqué à l’ensemble des hôpitaux, ce programme serait en mesure de permettre d’administrer un traitement précoce contre la maladie et donc, de sauver des milliers de vie.

 

Faciliter le diagnostic

Loin de remplacer l’expérience d’un médecin, l’intelligence artificielle se place au contraire comme une aide au diagnostic. Il s’agit par exemple de regrouper les données disponibles pour chaque patient – on estime qu’environ 80% des données sur chaque patient sont sous forme de texte libre (compte rendu d’examen, analyses…) – pour les compiler de manière propre afin d’éclairer le médecin dans son diagnostic. L’intelligence artificielle est également capable de détecter les contre-indications médicamenteuses en fonction des traitements suivis et d’alerter le médecin en cas de risques potentiels.

Plus globalement, l’automatisation de certaines tâches médicales pourrait représenter un gain de temps considérable pour le secteur de la santé. Ainsi, une étude menée par le Think Tank #leplusimportant prétend que d’ici 2030, les innovations technologiques, c’est-à-dire le numérique, l’IA et la robotique pourraient permettre de dégager 45 % de gains de productivité pour l’ensemble des professions médicales et paramédicales. Cette nouvelle répartition du temps de travail pourrait ainsi leur permettre de se consacrer aux soins « à valeur ajoutée », tels que le suivi psychologique, l’examen clinique et l’accompagnement des patients. Combiné au diagnostic à distance proposé par les chatbots du futur, il s’agirait alors d’une solution envisageable à la désertification médicale et au besoin de transparence de plus en plus important dans le parcours de soin.

 

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, ÉTHIQUE HUMAINE

Face au développement des technologies utilisant l’intelligence artificielle, l’Organisation Mondiale de la Santé a publié en juin 2021 son premier rapport sur leur application dans le domaine de la santé. Le Directeur Général de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a notamment déclaré :« Comme toute nouvelle technologie, l’intelligence artificielle présente un immense potentiel pour améliorer la santé de millions de personnes dans le monde, mais comme pour toute technologie, il peut aussi en être fait mauvais usage et elle peut entraîner des effets préjudiciables. »

Au-delà de la question de l’usage des données personnelles protégées par le secret médical et des potentiels piratages dont pourraient être victimes les algorithmes de santé, il existe de nombreux risques soulevés par l’intelligence artificielle dans le secteur de la santé. Envahis d’aides au diagnostic, les médecins risquent ainsi de subir une perte d’autonomie décisionnelle face à la machine « qui sait mieux que lui » … Les experts évoquent également un risque important de déshumanisation de la médecine : de quelle empathie pourrait faire preuve une intelligence artificielle lorsqu’elle annonce la détection d’une maladie grave via une application mobile ? Les intelligences artificielles ne prêtant pas de serment d’Hippocrate, comment garantir que l’algorithme prend les meilleures décisions pour le patient et non pour l’entreprise dont il dépend ?

Afin d’anticiper ces questions éthiques que le secteur de la santé moderne devra sans doute se poser dans un futur proche, l’OMS a conclu son rapport par 6 principes pour que l’intelligence artificielle œuvre, dans tous les pays, pour l’intérêt public :

  • Protéger l’autonomie de l’être humain. 
  • Promouvoir le bien-être et la sécurité des personnes ainsi que l’intérêt public. 
  • Garantir la transparence, la clarté et l’intelligibilité. 
  • Encourager la responsabilité et l’obligation de rendre des comptes. 
  • Garantir l’inclusion et l’équité. 
  • Promouvoir une intelligence artificielle réactive et durable. 

En appliquant ces principes, la recherche serait ainsi en mesure de garantir que le plein potentiel de l’intelligence artificielle dans le secteur de la santé est atteint tout en restant au service du bien commun. Chaque année, l’IMIS forme en alternance des experts du marketing de la santé ou des affaires règlementaires qui deviennent ensuite des professionnels engagés et conscients des problématiques liées aux innovations en matière de santé.

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